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David Lambert : Entrevue

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Au fil de son développement narratif, JE SUIS A TOI évolue d’une rencontre basée sur le mensonge et l’aveuglement vers une histoire d’amour circonstanciée. Prenant place dans un patelin en région liégeoise, le film aborde des thématiques aussi variées et complexes que la prostitution, l’épanouissement sentimental et l’éveil à soi – et aux autres. Rencontre avec David Lambert, le réalisateur et scénariste.

La première du film a eu lieu à Karlovy Vary. Si le film a eu un accueil très chaleureux, les gens l’ont considéré comme une comédie. C’était surprenant ? - Dès le premier plan ils ont ri aux éclats. Ils ont ri pendant une heure et après ils se sont un peu calmés. Puis ils ont beaucoup applaudi. C’était délirant. J’étais arrivé avec un drame et je suis un peu reparti avec une comédie. Je pense qu’il y avait du rire un peu de gêne par rapport à la sexualité explicite qui du coup libère le rire de l’humour. C’était très particulier et très intéressant. Ici (à Gand) les gens étaient moins sur le mode du rire. Le film a été tourné comme un drame avec des moments comiques. Mais sur certains publics, ça s’inverse. Des détails qui me font sourire – comme le chat empaillé – ont conduit les spectateurs à rire aux éclats en République Tchèque.

Je-suis-à-toi-David-Lambert

L’ouverture du film est hyper réaliste et pose avec économie un cadre très précis. - Ça m’intéressait de parvenir à poser formellement le personnage à travers le média de la webcam et de la faire le plus synthétiquement possible. C’est quasiment à chaque fois des facettes de comment il séduit ou de comment il peut être. C’est entre l’impressif et le narratif. Ça a demandé un gros travail de montage. J’avais laissé Nahuel (Perez Biscayart) en roue libre dans un dispositif très précis et on a eu presque trois heures de rushes. On a fait ça en pré-tournage parce que ça préparait le personnage. On a fait plusieurs sessions qui sont devenues un laboratoire du personnage qui se met en scène lui-même. On en a vraiment gardé la synthèse.

On découvre les personnages en même temps qu’ils se rencontrent tout en étant conscient de leur double visage. – On entame une relation triangulaire avec le spectateur. On est avec eux lorsqu’ils se rencontrent et on commence à les observer dans leur dualité, leurs problèmes de langues et la manière dont ils se présentent. - Les enjeux du films sont au final tout à fait différents des enjeux premiers. Qu’est-ce qui a guidé cette dynamique scénaristique ? – C’est le personnage. Je voulais partir d’un protagonistes hétérosexuel qui a une prostitution homosexuelle pour de l’argent car je trouvais que c’était la pire des formes de prostitution. Il y a un effort et un travail sur l’orientation sexuelle qui est, pour moi, une perte très forte. Dans leur vie, dans leur virilité, ce sont des gens extrêmement brisés. La trajectoire est celle de l’autonomie et de la sortie de la prostitution – de la sortie d’une dépendance quelle qu’elle soit. Il devait retrouver son orientation sexuelle et j’ai fait exister le triangle amoureux avec la vendeuse de boulangerie. Elle lui permettait de faire ce parcours.

Nahuel Perez Biscayar - je suis à toi

Le film présente un contraste entre un hyperréalisme et une artificialité complète. - C’était un des grands défis. Sur les premières versions de scénario le film restait naturaliste. A travers le personnage de Henri, comme je suis fan des comédies musicales, je me suis dit qu’il fallait y aller, qu’il fallait oser partir vers quelque chose d’inattendu qui me fait plaisir. A travers le musique, j’ai été vers des moments beaucoup plus décalés et beaucoup plus lyriques mais ce sont des extensions du personnage.

Lors de notre rencontre autour de HORS LES MURS, vous évoquiez déjà ce projet autour de la prostitution en précisant qu’il y aurait de la nudité frontale. Pourquoi ? - A partir tu moment où tu décides de rendre compte d’un personnage dont la bite est le centre de sa vie financière et qui est considéré comme une bite sur pattes par les autres, on ne peut pas échapper à la sexualité frontale. Ce serait trahir les prostitués qui essaient d’être considérés comme un visage. La trajectoire du film va de la bite au visage. C’est essayer de rendre à Lucas un visage et un coeur parce qu’il y a aussi quelque chose de très émotionnel. C’est un film qui va vers la lumière. Il part d’une sexualité mécanique vers quelque de tendre. Il est en réappropriation de lui-même.

Le contexte où prend place l’action est intéressant. On a beau être dans une petite bourgade de province, ni l’homosexualité du boulanger ni le fait qu’il s’offre un argentin ne pose question. - Le cliché de l’homosexuel dans un village, c’est de se dire qu’il est rejeté et exclu. Je voulais faire le contraire pour ce personnage : c’est une sorte de patriarche qui est très investi dans le folklore et dans la communauté. Il a fini par se faire accepter comme il est en jouant son personnage un peu « fofolle ». Et, de fait, la honte, c’est quand il ramène ce trophée la grosse crise c’est de le perdre. Lucas synthétise tellement de fantasmes pour Henri qu’il en devient nécessaire, du coup, de fait, le regard social qu’il craint, c’est d’être cocu.

Je suis à toi

Il y a beaucoup de tendresse pour ce personnage alors que vous pourriez être dans le jugement. C’est aussi là où se trouve l’équilibre entre les personnages et le regard qu’ils portent les uns sur les autres. - Il est d’abord dur, esclavagiste, et au fur et à mesure il y a la compréhension de ce qu’il est en très de vivre et une sorte d’empathie. C’est très important pour moi. J’aime créer de l’empathie à partir de personnages qui en sont pas spécialement aimable. Je le trouve bouleversant à la fin.

Le personnage d’Audrey est d’autant plus troublant que l’interprétation de Monia Chokri est sublime. Comment est-elle arrivée sur le film ? - Je ne trouvais pas une actrice qui me donnait une valeur ajoutée par rapport au personnage tel qu’il était écrit. J’attend d’un acteur de pouvoir entamer un processus créatif avec lui. J’avais vu Monia dans LES AMOURS IMAGINAIRE de Xavier Dolan puis des photos d’elle au Festival de Namur, et il y avait quelque chose de très troublant pour moi car elle était très sauvageonne au naturel et très fardée, apprêtée dans le film. Je me suis dit qu’elle pourrait être à Hermalle, être wallonne… Du coup on s’est rencontré à Montréal après une représentation de « La fureur de ce que je pense » de Nelly Arcan qu’elle jouait. On a tout de suite parlé la même langue. Ça a été vite emballé. J’ai beaucoup réécrit pour elle. On a « brainstormé » ensemble. J’ai rajouté beaucoup d’impertinence et puis j’ai créé un couple avec Nahuel. L’enjeu était que ça puisse fonctionner émotionnellement à travers une relation très spécifique.

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