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Sur le tournage de…

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DROLE DE PERE

Une rencontre singulière par Amélie Van Elmbt

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Après cinq années d’absence où il a voyagé pour apprendre la cuisine, Antoine revient à Bruxelles. Il pense à Camille, la femme qu’il a aimée et la mère de leur petite fille Elsa qu’il n’a jamais rencontrée. Il se décide à aller la voir, mais lorsqu’il frappe à sa porte, Camille est sur le point de partir pour un voyage d’affaires important. Elle attend la baby-sitter qui tarde à arriver. Camille panique et demande à Antoine d’attendre la baby-sitter pour ne pas rater son avion. Pris au dépourvu, Antoine accepte. Il est bien loin de s’imaginer qu’il va se retrouver seul face à sa fille pendant trois journées d’été.

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En 2012 Amélie Van Elmbt signe LA TETE LA PREMIERE, un premier long-métrage auto-produit qui la précipite sur le devant de la scène lorsqu’il est présenté à l’aCid à Cannes. Au fil de cet étonnant road-movie, la namuroise saisit la fougue amoureuse et la curiosité qui rassemblent malgré eux une jeune femme décidée à rencontrer son écrivain favori et un jeune comédien pétulant. Dirigeant Alice de Lencquesaing et David Murgia, elle leur offre des premiers rôles fougueux et pétillants dans lesquels ils excellent. Si elle a depuis travaillé à la rédaction de plusieurs scénarios originaux et envisage une adaptation, la réalisatrice qui rêve de filmer New-York ou Bruges signe avec DROLE DE PERE son second-métrage sous le regard bienveillant des frères Dardenne à la production.

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Rencontre avec la réalisatrice

Quelle a été la genèse de DROLE DE PERE ? - Après LA TETE LA PREMIERE, j’avais écrit un autre scénario « De la vie » qui demandait pas mal de budget. Comme je savais que je ne pourrais pas faire ce film facilement, je me suis mise à écrire « Drôle de père » qui était assez idéal pour un petit budget. À la base, je voulais le produire seule comme mon premier film. J’ai contacté Benoît Dervaux qui était d’accord de m’aider. Le film devait se tourner rapidement, mais en dernière minute, le tournage n’a pas pu se faire. C’est là que Benoît m’a suggéré d’aller trouver les frères. En réfléchissant à la manière dont je voulais tourner en chronologie, comme les frères le font pour leur film, ça me semblait être une bonne idée. Je me suis dit qu’on allait se comprendre. J’ai donc envoyé le scénario à Delphine Tomson, la productrice exécutive. Quelques mois après Les Films du fleuve m’ont rappelé pour me dire qu’ils avaient envie de le faire.

Thématiquement, qu’est-ce qui a motivé l’écriture du scénario de ce projet-ci ? - J’observe ma fille depuis sa naissance. Puisque son papa habite en France je l’élève plutôt seule, du coup c’est un peu une nourriture quotidienne. Comme je suis tout le temps avec elle, j’aime bien observer comment cela se passe quand quelqu’un entre dans notre sphère et comment le lien peut se créer. J’ai eu envie d’écrire sur ça. Comme maman, pour prendre du plaisir avec elle quotidiennement, j’ai besoin d’y penser aussi à travers le cinéma. J’en ai beaucoup parlé avec elle, on s’est mise à improviser et c’est devenu un jeu.

Est-ce facile de travailler avec votre propre fille ? Comment vous y êtes-vous préparées ? - On a beaucoup préparé Lina avec mon amie Perrine Bigot qui est orthopédagogue et qui a fait un travail vraiment formidable sur le film. Des mois avant le tournage, on a raconté l’histoire à Lina sous forme de dessin. On parlait de chaque scène selon son point de vue à elle et on lui demandait de dessiner comment elle se la représentait. On a fait un scénario visuel du film, du coup dès qu’elle voyait une image elle savait exactement ce qu’elle devait faire. Ça permettait de ne pas lui faire trop retenir les dialogues comme un perroquet. Tout le film tient sur un secret et elle ne le connaissait pas jusqu’à la dernière scène du film. On a construit cela durant des mois. Au début elle avait très peur de faire le film, puis elle a pris du plaisir à s’y préparer et tout a été une évolution permanente jusqu’au tournage.

Est-ce que ce travail visuel avec Lina a eu une incidence sur la conception visuelle et scénaristique du film ? - Oui, ça a été un équilibre assez particulier à trouver. Parfois, Lina réinterprétait certaines scènes avec des nouveaux mots ou de nouvelles images alors qu’elles étaient basées sur ce que j’avais observé. La manière dont les enfants se représentent l’espace ou dont ils se représentent les autres dans l’espace est très signifiante. Du coup j’ai dû revisiter plein de choses dans le scénario selon ce qu’elle avait dessiné ou écrit. Au final, plus le tournage évolue, plus je laisse de la liberté à Lina. C’était une volonté au départ : il suffisait qu’elle comprenne les scènes afin de dire d’elle-même des choses incroyables. Les meilleurs moments du film sont pour moi la spontanéité de sa compréhension. Il ne s’agit pas de la laisser en roue libre. La préparation a été longue, rien que pour qu’elle commence à sentir actrice. Il fallait qu’elle s’approprie l’histoire.

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Est-il contraignant de tourner avec une enfant ? - Il y avait beaucoup de contraintes parce que, avec Eric Gautier (le directeur de la photographie) on ne voulait pas faire un découpage à l’avance . On ne voulait pas indiquer des placements de caméras à Lina, on voulait qu’elle se sente libre dans l’espace et qu’elle s’exprime ; que son corps soit libre. Du coup on arrivait sur le plateau sans découpage et sans pouvoir trop répéter pour ne pas que Lina soit épuisée. On faisait évoluer notre manière de filmer en fonction de ce qui se passait. Le film prend d’ailleurs une tournure que je n’avais pas imaginée en raison de la relation entre Thomas (Blanchard) et Lina. Mais c’était aussi le but. Le film se passe sur trois jours et les trois jours seront très différents sur le plan esthétique et formel.

Comment les acteurs professionnels ont-ils réagi face à la spontanéité de Lina et la liberté que vous lui donnez ? - Thomas (Blanchard) redoutait un peu le moment de la rencontre avec Lina parce que je lui avais demandé de ne pas la voir avant le film pour que la rencontre se passe « comme en vrai ». Ils se sont croisés, mais ils n’avaient pas vraiment échangé avant cette première scène. Il avait un peu peur parce que pour lui c’est déstabilisant d’être face à un enfant qu’il ne connaît pas, avec qui il n’a noué aucun lien. Là, il allait passer six semaines ensemble. Peut-être que la rencontre entre eux n’allait pas se faire. Ça aurait été un film complètement différent. Mais c’est ça qui est formidable: ce qui me passionne dans la fiction, c’est quand il y a une recherche comme dans le cinéma documentaire. Je suis intéressée par les personnages et comment on peut faire évoluer un lien qui serait « comme dans la vie », qui se crée « en même temps », des deux côtés. Pour Thomas cela demandait une concentration de chaque instant. Il n’avait pas beaucoup de recul dans le jeu, car un enfant ne mécanise rien ; il est tout de suite, sans aucun repère ni technique. Il n’avait rien sur quoi s’appuyer. Il était vraiment à nu. Il devait être authentique tout de suite comme Lina.

Comment Eric Gautier est-il arrivé sur le projet ? - C’est une longue histoire. J’ai rencontré Edward Lachman à New-York dans un festival où je présentais LA TETE LA PREMIERE. Il a notamment fait la photo du film CAROL de Todd Haynes que j’aime énormément. Il est venu me parler après la projection. On s’est très bien entendu. On s’est écrit pendant trois ans à propos d’un autre projet que j’aimerais réaliser à New-York. Quand j’ai eu la réponse des frères, je lui ai demandé s’il le projet l’intéresserait. On a beaucoup discuté et travaillé ensemble, mais CAROL a eu un tel succès que Todd Haynes a eu tout de suite l’argent pour son prochain film et les dates de tournage se chevauchaient avec DROLE DE PERE. Du coup, il a fait le film de Todd ce que je comprends tout à fait et m’a promis qu’il allait me trouver son équivalent français pour mon film. C’est là qu’il a contacté Eric Gautier. Je l’ai rencontré à Paris, on s’est très bien entendus et il a accepté de faire le film.

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Quelle importance accordez-vous aux décors qui semblent très travaillés ? - On a voulu commencer l’histoire avec un décor vraiment réaliste et très différent de celui qu’on découvre ensuite. On voulait un décor bourgeois, assez monumental, parce qu’on trouvait intéressant de sentir au début du film que les personnages sont perdus dans un espace. On a d’ailleurs travaillé cet espace de manière très découpée avec beaucoup de focales différentes pour ne pas donner beaucoup de repères. Le film s’ouvre ensuite sur un univers complètement différent, presque surréaliste. On a travaillé ça dans les couleurs, avec Eric, mais aussi à travers le décor. J’avais envie de faire un contrepoint, un effet de contraste surréaliste dans une histoire pourtant très réaliste entre ce qui se passe et ce que raconte le décor où cela prend place.

Dans votre cinéma, la filiation semble à la fois être une thématique, mais aussi un rapport effectif dans la manière de vous entourer pour faire vos films. Plusieurs générations nourrissent un même film. - Étrangement, ça c’est toujours fait malgré moi. J’ai travaillé avec Jacques Doillon, et c’est grâce au travail avec lui que j’ai pris confiance en moi et que j’ai réalisé LA TETE LA PREMIERE. C’est une histoire de rencontre et d’affinités. Je n’aurais pas réussi DROLE DE PERE sans Eric Gautier. Notre lien a était très fort pendant le tournage. Il m’a soutenu dans des moments de tension et m’a constamment ramené au cinéma. J’en avais sans doute besoin pour ce film-ci. Et il me ressemble plus encore que LA TETE LA PREMIERE. Il va vers « mon » cinéma que je commence seulement à découvrir.

Est-ce que travailler avec une boîte de production établie change beaucoup de choses ? - C’est très particulier, car en allant voir vers les frères Dardenne je pensais retrouver quelque chose de similaire à mon premier film. Mais c’est une boîte de production bien établie et qui fonctionne différemment. J’avais eu un contrôle total sur LA TETE LA PREMIERE et j’ai ici eu beaucoup de mal à lâcher prise. On n’a pas eu certains financements sur lesquels on comptait (Wallimage) et on s’est retrouvés avec beaucoup moins de budget. C’était très stressant et on a fait le film « drôlement » ; presque à l’arrache comme mon premier film, mais avec une vraie production ce qui posait pas mal de problèmes par rapport aux contraintes de tournage. (…) Ma manière de travailler, sur ce type de film-ci, est assez particulière parce que je cherche beaucoup au moment du tournage. J’ai envie d’aller vers un cinéma de corps plus que de paroles – ce qui est paradoxal par rapport à mon premier film – et c’est compliqué. Comme je m’intéresse à l’évolution d’un lien, qui se fait aussi sur le plateau, j’ai besoin d’y être et de sentir la scène – d’autant plus ici où je filme ma fille. Je pense que ça a déstabilisé pas mal de personnes dans l’équipe. C’est un élément sur lequel on ne s’est pas forcément toujours bien compris, et ça n’a pas toujours été facile.

Le film a reçu un parrainage de la part de Scorsese. - Je l’ai rencontré en même temps que Ed Lachman. C’est assez dingue, mais j’ai vécu mon rêve américain avec LA TETE LA PREMIERE qui a été super bien reçu là-bas. Scorsese m’a écrit pour me dire qu’il aimait beaucoup le film et on s’est rencontré. Il m’avait dit qu’il m’aiderait sur un futur projet et comme on a eu besoin d’argent, je lui ai écrit avec Luc. Il a aidé à débloquer de l’argent pour que l’on puisse envisager le tournage de manière plus sereine, sans quoi on partait sur un tournage de cinq semaines alors que déjà en six je trouvais cela très court.

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DROLE DE PERE
Réalisation : Amélie Van Elmbt
Scénario : Amélie Van Elmbt & Matthieu de Braconier
Avec : Thomas Blanchard, Lina Doillon, Alice de Lencquesaing, Judith Chemla, Xavier Seron, Julie Naas, Catherine Salée, Fabrice Rodriguez, Sophie Leboutte, Achille Ridolfi, Viggo Ebouele

Image : Eric Gautier
Son : Olivier Struye
Scripte : Amandine Lemal
Montage : Ewin Ryckaert
Régie : Guillaume Fernandez
Décors : Laurie Colson
Costumes : Hélène Honhon
Accessoires : Charlotte de Gottal
Maquillage : Sandra Campisi
Assistants Réalisation : Hélène Karenzo & Kevin Dardenne
Production : Jean-Pierre & Luc Dardenne (Les Films du fleuve)
Productrice exécutive : Delphine Tomson
Directrice de production : Caroline Tambour

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Filmographie Amélie Van Elmbt
DROLE DE PERE (LM – fiction – 2016)
LA TETE LA PREMIERE (LM – fiction – 2012)

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